Des chercheurs du laboratoire de recherche Translationnelle et Innovation en Médecine et Complexité (TIMC – CNRS/Université Grenoble Alpes) ont effectué une revue de la littérature afin d’évaluer comment l’intelligence artificielle peut aider les services de pharmacie clinique que cela soit dans leurs activités d’analyse de prescription, mais également dans les services d’éducation thérapeutique du patient et de délivrance de médicaments. Les résultats de cette revue ont été publiés dans l’International Journal of Medical Informatics.
Passage progressif vers une médecine personnalisée
Pour une population vieillissante et souvent multi-pathologique, les pharmaciens sont confrontés à des cas thérapeutiques de plus en plus complexes. Il devient donc de plus en plus difficile d’identifier les traitements les plus adaptés tout en tenant compte des risques d’interactions médicamenteuses et des effets indésirables potentiels. Cependant, la numérisation des dossiers des patients ouvre la voie à l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle adaptés aux besoins de la pharmacie clinique.
Dans quelle mesure ces outils sont-ils réellement déployés et pour quels usages ?
Les chercheurs du TIMC ont réalisé une revue des méthodes et des applications de l’intelligence artificielle dans les services de pharmacie clinique. Ils ont constaté que seulement 19 publications scientifiques traitaient d’outils d’intelligence artificielle appliqués à ce domaine entre 2000 et 2021. Cependant, cette tendance est récente, car 63 % de ces travaux ont été publiés en 2020 et 2021. Parmi les outils émergents, on retrouve le traitement automatique du langage naturel et les méthodes d’apprentissage profond basées sur l’intelligence artificielle.
L’objectif de cette étude était de présenter les développements récents de la recherche en matière d’intelligence artificielle pour la pratique des services de pharmacie clinique, que ce soit en milieu communautaire ou hospitalier. L’aide à la décision du choix du meilleur traitement pour un patient donné était l’application principale visée par les outils d’intelligence artificielle en pharmacie clinique. Un peu moins d’un quart des cas concernaient la délivrance de médicaments. Par exemple, certains modèles permettent d’anticiper la préparation des prescriptions, d’autres visent à éviter les erreurs lors de cette préparation, ou encore à renforcer l’adhésion thérapeutique des patients. De plus, deux études se sont penchées sur l’activité clinique des pharmaciens, en utilisant des outils d’aide à l’éducation thérapeutique ou à la réalisation d’entretiens pharmaceutiques, dans le but de renforcer les conseils donnés aux patients.
Perspectives d’avenir de ces outils
Pour pouvoir structurer ces algorithmes, il est nécessaire de les entraîner avec des données fiables issues des dossiers médicaux électroniques. Ainsi, pour optimiser l’efficacité de ces modèles, il est essentiel que les bases de données de santé contiennent des informations complètes sur toutes les étapes de la prise en charge thérapeutique des patients à l’échelle d’un territoire, et pas seulement les données d’un seul hôpital, souligne Pierrick Bedouch, professeur en pharmacie clinique au centre hospitalier universitaire de Grenoble et chercheur au TIMC.
Les outils d’intelligence artificielle peuvent aider les pharmaciens à gérer des prescriptions et des traitements de plus en plus complexes chez des patients présentant des pathologies multiples. De plus, de nouvelles méthodes d’intelligence artificielle, telles que les modèles de traitement automatique du langage naturel tels que ChatGPT, doivent être évaluées. Il est également important de considérer des enjeux à plus grande échelle, comme la gestion des médicaments en période de rupture d’approvisionnement, qui pourraient également bénéficier de l’aide de ces outils d’aide à la décision.
En conclusion, les développements publiés dans ce domaine concernent principalement le secteur hospitalier (12 études sur 19). Il est essentiel de développer davantage la recherche dans les services de pharmacie clinique en milieu ambulatoire, car l’intelligence artificielle peut apporter une aide significative dans la gestion complexe des patients atteints de maladies chroniques et dans la médecine de ville en général.